Selon les chiffres publiés par LSA Expert le 23 octobre dernier, la France comptait à la fin septembre 1 349 drives, soit 96 de plus qu'un mois plus tôt ! Une poussée spectaculaire qui n'est pas sans conséquences pour l'urbanisme commercial selon Sylvia Pinel.
Le drive fait recette en France. En l'espace de quelques années, ce qui n'était tout juste qu'une expérimentation de la grande distribution est devenue un vrai phénomène. Pour s'en convaincre, il suffit d'aligner quelques chiffres. Ainsi, à la fin décembre 2011, la France comptait un peu plus de 850 drives (incluant les points de retrait) contre près de 1 400 aujourd'hui (1 175 en accolé et/ou picking et 174 en solo) auxquels il faut rajouter 485 points de retrait. En terme de parts de marché aussi, l'essor est spectaculaire. En 2010, le drive ne pesait que 0,6 % de Pdm, 0,9 % en 2011 et 1,6 % en 2012. Cette proportion en croissance exponentielle est très variable selon les enseignes (2 % pour Leclerc et 4,5 % pour Auchan).
Et en terme de chiffre d'affaires ? Le drive s'impose comme un vrai « booster de croissance » pour les enseignes. Ainsi, en 2011, le drive a réalisé 1/3 de la croissance de Leclerc et 2/3 de celle d’Auchan.
Des chiffres qui s'emballent
Et ce n'est qu'un début... En effet, le succès du drive est tel que les estimations s'emballent. Ainsi, en mars 2011, les estimations des experts tablaient sur un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros pour 2015. En octobre 2011, LSA en s'appuyant sur une étude de Kurt Salmon, estimait que le drive allait générer 4 milliards d’euros pour 2015. En mai 2012, une étude Kantar Worldpanel revoyait encore les chiffres à la hausse avec un CA en 2015 estimé à plus de 6 milliards (6,1 % de part de marché). Un mois plus tard, en juin 2012, Yves Puget, directeur de la rédaction du magazine LSA affirmait qu'en 2015, le drive allait dépasser le cap des 10 % de part de marché, soit un chiffre d'affaires potentiel de plus de 10 milliards d'euros. Tous ces chiffres en ré-évaluation constante font écho à d'autres bien plus concrets encore : ceux des estimations des grandes enseignes quant au rythme des implantations de leurs nouveaux drives.
Ainsi, pour Système U, si l’objectif était en 2011 d’atteindre 600 drives avant 2015, cette ambition a été revue à la hausse avec désormais un objectif affiché de 1 000 drives pour 2015. Même chose chez Leclerc qui fin 2011 prévoyait un parc sous son enseigne de 400 drives en 2015, un chiffre atteint fin 2012 qui a été réévalué du coup à 600 drives Leclerc pour 2015. Face à cette explosion des unités en drive, deux grandes questions se posent pour demain. La première tient à la nécessaire adaptation de la grande distribution, la seconde tient à la nécessaire adaptation de la loi.
Le drive, une nouvelle donne pour la grande distribution
Acheter sur internet et retirer sa commande à l'arrière d'un magasin ou dans un entrepôt dédié implique pour la grande distribution un vrai bouleversement des habitudes. En effet, toutes les études le prouvent, les ménages qui consomment via le système du drive le font principalement pour gagner du temps mais aussi pour mieux maîtriser leurs budgets. De fait, en court-circuitant les déplacements en magasin, les consommateurs se limitent au strict nécessaire, ils ne sont plus tentés par les propositions en rayons. Ce manque à gagner sur les achats impulsifs va devoir être compensé par une montée en gamme des références disponibles en drive. Cela suffira-t-il ? Pas si sûr. En effet, si les clients drive réclament clairement plus de choix dans les rayons virtuels, il n'est pas dit que ce plus de choix va forcément booster les ventes impulsives.
De plus, le fait d'aller faire ses courses sur internet gomme les différences entre les distributeurs. A distance égale du domicile entre deux enseignes, l'internaute peut facilement décider de dispatcher ses commandes entre les enseignes concurrentes en fonction du prix. Et la comparaison des prix sur internet est un jeu d'enfant ! Face à ces nouvelles habitudes des consommateurs, la grande distribution va devoir nécessairement s'adapter à cette nouvelle donne ! Un sujet sensible sur lequel LSA propose le 18 décembre prochain d'apporter quelques éléments d'éclairage lors d'une conférence organisée à Paris qui réunira les principaux acteurs de ce nouveau marché.
Le drive biaise l'équilibre de l'urbanisme commercial
Contrairement aux hypermarchés et supermarchés, les drives comme les magasins de moins de 1 000 mètres carrés d'ailleurs, ne sont pas soumis au passage devant les Commissions départementales d’équipement commercial. Les drives échappent de plus à la Tascom, la taxe sur les commerces. Face à l'explosion de ce modèle, la ministre du Commerce, Sylvia Pinel a annoncé récemment lors d'une séance de la Commission des Affaires économiques que des ajustements de la loi étaient d'ores et déjà dans les tuyaux. En effet selon la ministre, en matière d’urbanisme commercial, « des ajustements sont nécessaires, certains dispositifs comme le drive doivent être pris en considération car on observe leur installation rapide sur tout le territoire, et ces entrepôts ne sont pas pris en compte. Or, il faut articuler la loi sur l’urbanisme commercial avec l’aménagement du territoire, c’est essentiel pour assurer un développement harmonieux de tous les territoires ». Si pour l'instant aucune échéance n'est encore évoquée par la ministre, il est fort probable que la loi ad hoc sur le drive pourrait être incluse dans le cadre de la loi sur l’urbanisme dont l'examen est prévu début 2013.
Dominique André-Chaigneau, Toute la Franchise©